11/11/2013

Vainqueurs des WSOP 2013: Ryan Riess, MSU et l'IR$


Ainsi Ryan Riess a-t-il remporté le 6 novembre dernier le tournoi principal des World Series of Poker 2013 devant 6352 joueurs. La victoire de ce gambler de 23 ans semble confirmer plusieurs tendances observées ces dernières années.

AK vs Q5: dans quelques secondes Riess battra Jay Farber et rentrera dans l'histoire du poker

Tout d’abord le fait qu’au Main Event des WSOP, les plus jeunes joueurs ont définitivement pris le pas sur les autres. En effet, comment sinon expliquer l’incroyable série en cours initiée en 2008 avec la victoire de Peter Eastgate  à seulement 22 ans, et poursuivie avec Joe Cada (21 ans en 2009), Joanathan Duhamel (23 ans en 2010), Pius Heinz (22 ans en 2011) et Greg Merson (24 ans en 2012) ?

Autre confirmation : la très grand forme pokéristique des joueurs natifs du Michigan, Ryan Riess étant le troisième champion du monde originaire de cet état paumé du Midwest après Joe Cada (2009) et Tom McEvoy (1983).

"Si quaeris peninsulam amoenam circumspice"

Enfin, comment ne pas reconnaître l’excellence des diplômés de Michigan State University (aka MSU, université d’état basée à East Lansing), puisque outre Ryan Riess, cette université a également révélé Andrew Robl, considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs joueurs de cash-game nosebleed au monde. Etant moi-même diplômé de MSU, les plus hautes espérances me sont dorénavant permises. 

Ryan Riess en table finale, arborant le T-shirt des Spartans de Michigan State

Comme un symbole, je viens de signer mon retour au Cercle Clichy-Montmartre (depuis la finale du Winamax Poker Tour) en signant une 4ème place (sur 96 joueurs) au 50€ freezeout du samedi 2 novembre, empochant 400 euros après avoir, il est vrai touché trois fois AA, deux fois KK, au moins trois AK et infligé un bad beat relativement costaud à la bulle, mon 42o triomphant du AJ du joueur en grosse blinde. Un retour en forme, quoi.

Retour à Las Vegas. Au petit jeu du « que reste-t-il-à-la-fin », c’est-à-dire une fois que l’IRS et les fiscs nationaux auront prélevé leur quote-part, voici à quoi ressembleront les gains nets des 5 premiers du Main Event des WSOP 2013. 

1. Ryan Riess : $4,8 millions (-42%)
2. Jay Farber : $3,1 millions (-38%)
3. Sylvain Loosli : $2,8 millions (inchangé)
4. Amir Lehavot : $2,2 millions (-40%)
5. JC Tran : $1,1 million (-49%)

 Ryan Riess, racketté staké à 42% par l'IRS 

Au total près de $10 millions des $26 millions de dotation de la table finale partiront directement au fisc. On notera que Sylvain Loosli, en tant que résident fiscal britannique est le seul à ne pas devoir payer d’impôts sur ses revenus du jeu et double ainsi dans la pyramide des gains l’israëlien Amir Lehavot, troisième du tournoi et doyen de la table finale à 38 ans.

12/10/2013

Faits divers: Les (ex-)cercles parisiens de nouveau à la une

Le mois de septembre 2013 a apporté son lot d’informations croustillantes concernant les moeurs en vigueur ces dernières années dans les cercles de poker de la capitale.



A la fin du procès du Cercle Wagram, qui s’est déroulé sur les trois dernières semaines de septembre, le parquet a requis quatre ans de prison ferme à l’encontre de Jean-Angelo Guazzelli, considéré comme l’ancien dirigeant de fait du cercle Wagram, et membre supposé du gang corse de la Brise de mer. On lui reproche un détournement de fond de l’ordre de 10 millions d’euros. Les responsables officiels du Cercle, Michel Ferracci et Arnaud Graziani encourent également des peines de prison ferme. Si durant l’audience, l’omerta a prévalu, le dossier d’instruction, à base d’écoutes et de témoignages recueillis par la police, s’avère particulièrement lourd à l’encontre des 17 prévenus. De plus, M. Guazzelli est également accusé d’avoir détourné de l’argent d’un autre cercle de poker, le sulfureux Eldo situé sur les grands boulevards, également fermé en 2011. A noter que ce dossier est distinct de celui de la « prise en main » du cercle par le clan de Jean-Luc Germani par la violence en janvier 2011, pour lequel 6 personnes ont été condamnées en première instance.

Jean-Angelo Guazzelli se présente comme un simple producteur d'huile d'olive

Alors que le procès du cercle Wagram en était à sa première semaine, un tragique accident est venu assombrir un peu plus l’image déjà désastreuse des cercles de poker parisiens. Un individu de 36 ans est en effet décédé dans la nuit du 13 au 14 septembre 2013 suite à des coups reçus lors d’une bagarre survenue devant le cercle de jeux Cadet. Le principal suspect, qui a été mis en examen avec deux de ses amis, aurait volé de l’argent à sa victime alors qu’ils jouaient tous deux à l’intérieur du cercle, et ce dernier s’en serait aperçu. Si l’altercation a éclaté juste devant le cercle, la victime est décédée quelques heures plus tard, dans un hôpital parisien.

Entrée du cercle Cadet, dans le IXème arrondissement de Paris

Le cercle Cadet n’est autre que le nouveau nom du Cercle Concorde, fermé lui fin 2007 sur fond d’arrestations liées à des soupçons de règlement de comptes entre milieu corse et marseillais et de blanchiment d’argent. Par une étrange coïncidence, le tribunal vient justement de rendre son verdict dans cette affaire. Le principal prévenu, Paul Lantieri, mystérieusement réapparu au premier jour du procès après presque 6 ans de cavale a écopé de trois ans de prison ferme. Plusieurs autres condamnations ont été prononcées mais de l’aveu même de l’accusation, les preuves manquaient dans ce dossier, où un grand nombre de prévenus n’ont écopé que de menues condamnations liées à des infractions à la législation sur les jeux et aux règles fiscales.

Paul Lantieri, de retour après 6 ans de cavale

L’an dernier, la justice avait définitivement fermé le cercle Frochot et mis en cause Paul Paldacci, soupçonné d’en avoir été le gérant de fait, et d’avoir détourné près de 2,5 millions d’euros depuis 2005, en partie pour payer la cavale de son frère, en fuite depuis 25 ans et accusé de plusieurs braquages au milieu des années 80, dont l’un avait causé la mort d’un policier.

Egalement en 2012, le cercle Haussman avait été fermé pour organisation de parties illégales. 

21/07/2013

Qui est Sylvain Loosli ?



Il est né le 12 novembre 1986 à Toulon. Il y a obtenu un bac S avec mention Bien en 2004 au lycée Dumont d’Urville. Il a fait une prépa scientifique à Marseille au lycée Thiers avant d’intégrer l’Institut National des Télécommunications (INT) à Evry, dont il a été diplômé en 2009, filière Management. Au passage, il a effectué un semestre d’échange universitaire en Slovénie à Ljubljana. Il obtient ensuite un master en Marketing & Stratégie à Paris Dauphine en 2010. Entre 2009 et 2010, il a travaillé notamment chez Orange, Accenture et Nokia pour de courtes périodes et des stages.

Il débute le poker en 2006, sur des formats variés avant de se spécialiser en cash-game NLHE online, surtout en head’s up et 6-max. Il passe pro en 2011, s’installe à Londres et joue de la 2/4 à la 10/20, notamment sur Winamax.fr sous le pseudonyme Patrick8313. Il a ensuite progressé notamment au contact de Cyril André et des autres Limpers (y compris lorsque ces derniers résidaient en Thaïlande).

Les neuf joueurs qui se retrouveront en novembre pour disputer le titre suprême.

Fan d’Isildur, il joue aujourd’hui essentiellement en 25/50 sur de nombreux sites du .fr et du .com. Il vit en colocation avec Elky et Guillaume de la Gorce, aka Johnny001, ex-joueur de 50/100 sponsorisé Winamax au temps du .com, désormais recyclé dans l’immobilier. Sylvain serait l’un des plus gros gagnants du .fr, où il aurait réussi à accumuler pas moins d’un million de dollars de gains. Il développe aussi une activité de coaching.

Sylvain pratique le tennis, le surf et le snowboard. Par ailleurs il apprécie le rugby, la natation, la course à pied et le football. Il aime la musique électronique, les voyages et le cinéma. Il parle anglais et italien.

S’il a signé un seul cash en MTT live dans sa carrière (EPT Deauville 2011), il a cash-in direct au Main Event, pratiqué un jeu small-ball très orienté post-flop et pourrait être le premier français champion du Monde de Poker en Novembre. D’ici là on le verra dans tous les grands tournois européens à l’automne, notamment les WSOP Europe. 

13/07/2013

Isildur et Antoine Saout rattrapés par le fisc ?

Pour qui sait lire entre les lignes, l'interview d'Antoine Saout parue dans le Live Poker de Juin 2013 constitue une intéressante source d'information. Le multimillionnaire breton, d'ordinaire plutôt taiseux, y évoque tour à tour ses (excellents) résultats de l'année 2013, son nouveau statut de joueur non-sponsorisé, livre son analyse sur le paysage pokeristique actuel. 

Tonio292 désormais en head's up contre le fisc français

S'il omet mystérieusement de raconter la main qu'il a perdue contre moi en finale du Winamax Poker Tour au Cercle Clichy Montmartre en mars dernier (il a lamentablement foldé pré-flop sur mon 3-bet de grosse blinde avec les dames), plus intéressantes sont ses déclarations sur "l'acharnement du fisc sur les joueurs de poker français". Malgré le recours à un style volontairement impersonnel, il apparaît clairement qu'Antoine Saout fait l'objet d'un redressement fiscal sur ses gains de 2009, année où son extraordinaire troisième place obtenue au Main Event des WSOP lui avait rapporté 3,5 millions de dollars. 

"(...) non seulement je n'étais pas encore professionnel mais surtout, absolument rien dans la loi ne laissait imaginer quoi que ce soit. Le poker était considéré comme un jeu de hasard, donc non imposable (...). Je n'accepte absolument pas qu'aujourd'hui on vienne me reprocher quoi que ce soit et encore mois qu'on vienne me réclamer des sommes indues sur ce gain exceptionnel."

On peut penser que l'administration fiscale lui réclame au minimum la moitié de ce gain, pénalités et intérêts compris. L'argument initial concernant son statut de joueur non-professionnel en 2009 - s'il est avéré - est sans doute le seul pertinent; le fisc ne se laissera en effet pas attendrir avec le serpent de mer que constitue l'assimilation du poker à un jeu de hasard, argument devenu clairement inutilisable depuis le jugement du tribunal de Clermont-Ferrand contre Emile Petit.


Aussi spectaculaires sont les derniers développements de la répression fiscale portant sur le prodige des nosebleeds Viktor Blom, aka Isildur1. On savait depuis 2011 que le fisc suédois s'intéressait de très près à ses gains réalisés en cash-game sur les tables de FullTilt. Des rumeurs faisaient état de chiffres délirants réclamés par le fisc (plusieurs dizaines de millions de dollars), ce dernier ne faisant pas (à l'époque) de différence dans le calcul de l'impôt entre les sommes jouées et le profit retiré. 

Si l'énigmatique Viktor Blom réside désormais à Londres - tout comme Antoine Saout -, son colocataire et ami Mikael Thoritz (aka ChaoRen160) a révélé cette semaine que son appartement en Suède, d'une valeur d'1,5 millions d'euros, avait été saisi par l'administration pour compenser les sommes estimées dues au titre de l'impôt sur le revenu (pré-Black Friday). 

Le meilleur joueur de cash-game du monde vient de se faire check-raiser de 1,5M

Aujourd'hui le fisc suèdois prélève environ 30% des gains live et online réalisés par ses résidents fiscaux, ce qui rend tout simplement à peu près incompatible le fait de résider en Suède et de gagner sa vie des revenus du poker. 


02/06/2013

ISPT, WSOP & Punto-Banco


La première édition de l’ISPT (International Stadium Poker Tour) est en train de se terminer dans le mythique stade de Wembley. Même si l’objectif n’a jamais été de remplir les 90.000 places du stade, avec seulement 761 participants ce tournoi est un échec patent qui va coûter très cher à son sponsor principal, la room anglaise Dusk Till Dawn et à son instigateur Laurent Tapie, fils de Bernard, qui s'était fait connaître par le passé pour s'être positionné sur le rachat de de FullTilt, - avant de se faire heureusement coiffer sur le poteau par le groupe PokerStars.  

Communication initiale de l'ISPT: les 20M€ se sont vite convertis... 

... en une simple garantie de 1M€ pour le vainqueur

C’est la sanction logique d’un projet mal ficelé dès le départ et d’une communication calamiteuse - utilisant notamment la réputation de plusieurs joueurs qui ne sont pour certains même pas venus... - et qui a finalement braqué la communauté du poker contre lui. Cette dernière aura préféré arriver tôt au WSOP (pas moins de 6343 inscrits à l’Event « Millionaire Maker » au buy-in de $1500), ou participer à des tournois plus "installés": 480 joueurs inscrits au 400€ du cercle Cadet ce week-end et 411 participants au France Poker Series d’Amnéville. 

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Pendant ce temps, à coups de communiqués accusateurs, la bataille fait désormais rage entre Phil Ivey et le Casino Crockfords. Le détenteur de 9 bracelets WSOP a finalement porté plainte début mai contre l’établissement londonien, à qui il reproche de ne pas lui verser les 7,3 millions de livres (8,5 millions d’euros) correspondant aux gains d’une session de Punto-Banco datant du mois d’août 2012. Si dans un premier temps les protagonistes ont cherché à résoudre ce différent de façon relativement discrète, l’importance de la somme et les positions tranchées des deux parties conduisent aujourd’hui à recourir à la voie légale.

Ivey va-t-il faire l'impasse cette année sur le Main Event des WSOP... 
pour participer au tournoi de Punto-Banco organisé par le casino de Monte-Carlo  ? 

En substance, le casino prétend que Phil Ivey a triché, en jouant en collusion avec la jeune asiatique qui l’accompagnait à table, celle-ci étant déjà connue pour avoir utilisé une technique de lecture des cartes du sabot, ce qui avait conduit un casino américain à lui bloquer 1 million de dollars de gains. La technique, qui ne peut être pratiquée que par une personne très entrainée, serait basée sur l’identification de minuscules défauts de symétrie sur les motifs des faces arrière des cartes. La Haute Cour de Justice Britannique va devoir examiner le dossier, incluant notamment les captures vidéos de la fameuse session.


Un nouveau dossier gênant pour la réputation du « Tiger Woods du poker », après un divorce houleux et particulièrement onéreux en 2009 et surtout les nombreuses accusations de complicité - jusque-là restées sans suite - dans les malversations comptables de FullTilt en 2011...

31/03/2013

Welcome to Fabulous Lost Vegas



J’ai lu récemment Lost Vegas de Paul McGuire, a.k.a Dr Pauly, connu par ailleurs pour son  influent blog Tao of Poker. Ce new-yorkais d’origine s’est installé depuis 2005 au Nevada puis en Californie. Il y mène des activités de journaliste freelance pour divers média spécialisés poker ou non. En 2005, il fut l’un des premiers journalistes à couvrir le tournoi principal des World Series of Poker. On est alors en pleine mutation sur la planète poker. Si l’influence texane reste encore prépondérante  - joueurs aux looks de cow-boy, casinos aux ambiances de saloon, règlements de compte dans les arrière-cours du downtown Vegas -, l’impact de la victoire de Chris Moneymaker aux WSOP en 2003 va définitivement changer la donne. Les casinos seront dorénavant et avant tout des hôtels de luxe situés sur le strip, et la tout juste naissante industrie du poker sera l’objet de toutes les convoitises du big business



McGuire dépeint à la fois le côté obscur du vrai Vegas – la misère sociale, la prostitution, la drogue, le cynisme d’un certains nombre d’acteurs – et la transition accélérée d’une forme de mythologie et de tradition à une autre. Si le roman est très autobiographique, l’auteur ne verse ni dans la complaisance ni dans le moralisme, se contentant de décrire ce qu’il a vécu, avec une plume particulièrement alerte. Par ailleurs, nul besoin d’être un spécialiste du poker pour s’y plonger, McGuire concentrant son attention sur les personnages, célèbres et anonymes, de cette comédie humaine si particulière. Gros plans donc sur les rêves de gloire des anonymes, de rédemption des bannis ou de gain des éternels losers. Le tout cruellement éclairé par la lumière si éblouissante du Nevada, celle qui inonde toute l’année cette ville à la puissante force de destruction. Saluons pour finir la traduction au plus juste de Benjo DiMeo, qui parvient à préserver du début à la fin toute la verve de la version originale.

Disponible aux éditions Inculte depuis 2011, ainsi que dans la boutique Winamax.