06/10/2012

La controverse Phil Hellmuth

Arborant une barbe relativement fournie (le faisant ressembler de plus en plus à son compère Mike Matusow), Phil Hellmuth a remporté mercredi dernier son 13ème bracelet WSOP en s´imposant devant 420 joueurs dans le Main Event des WSOP-Europe, à Cannes. Il compte à présent à son palmarès WSOP 3 bracelets de plus que ses poursuivants immédiats Johnny Chan et Doyle Brunson, ses plus sérieux rivaux étant plutôt Erik Seidel et Phil Ivey avec seulement 8 bracelets chacun. Il émarge à la 3ème place de la All-Time money list et remportera probablement le titre de POY (Player of the Year) 2012.

 Et de 13 pour l´enfant terrible du Wisconsin !

Alors pourquoi Phil Hellmuth est-il le joueur le plus détesté du monde quand Ivey et Seidel font quasiment l´unanimité autour de leur personne ? Les raisons ne manquent pas : ses livres de technique pokeristiques sont parmi les plus mauvais sur le marché ; son comportement à la table est un modèle d´anti-sportivité : intimidations, insultes, plaintes incessantes contre les autres joueurs et les croupiers ; sa marque de vêtement (Poker Brat) est d´une vulgarité crasse ; son égo est surdimensionné et sa mauvaise foi légendaire ; et comme si cela ne suffisait pas, il a été très directement impliqué dans une mystérieuse affaire de bug informatique sur UltimateBet, son sponsor de l´époque.

Par ailleurs, et c´est peut-être encore plus embêtant, il semble que la communauté du poker s´accorde sur le fait que Phil Hellmuth ne soit pas techniquement un très bon joueur. Il ne joue à peu près qu´en No Limit Hold´Em, et encore : uniquement dans sa version tournoi live ; les mondes du poker sur Internet, de l´Omaha ou du cash-game lui étant à peu près inconnus. Il s´est permis de critiquer la technique de Tom Dwan en head´s up (suite à un bad beat lors d´un match les opposant), se couvrant par la-même de ridicule. Mercredi, en table finale, on l´a vu faire quelques coups totalement EV- comme celui où, de big blind, il call avec A4s une relance  du cut-off suivie par le bouton puis décide de donk-better sur un flop 267r avant d´abandonner le coup.
Pourquoi moi ? Qu´ai-je donc fait pour mériter ce sort ? 

Alors pourquoi gagne-t-il des tournois (live) ? Sans doute parce qu´il sait mieux que quiconque jouer de son image si particulière. Hyper-conscient de l´image qu´il renvoie, Phil Hellmuth a su faire évoluer son jeu au fil des années afin de contrecarrer les stratégies mises en place par ses adversaires. Ainsi, on l´a vu mercredi floater les mises adverses sur le flop avec une fréquence proche de 100%, très souvent en bluff, ce qu´il ne faisait que très rarement il y a encore quelques années. Certes on l´a vu à nouveau gémir, s´allonger par terre, critiquer les croupiers, ses adversaires ou se plaindre de sa supposée malchance, mais il semblait rester en contrôle. Comme si tout cet étalage faisait partie d´une stratégie plus globale, comme si Hellmuth avait volontairement décidé de laisser à d´autres le champ de la technique pure pour investir celui d´un metagame protéiforme et à forte composante médiatique. On ne joue pas Hellmuth comme un autre joueur, ses adversaires sont directement éloignés de leur zone de confort par le seul fait de devoir affronter ce personnage, de moins en moins joueur de poker et de plus en plus icône médiatique, publicitaire, et énigme psychologique. Pas si étonnant quand on sait qu´Hellmuth est marié à une brillante chercheuse en psychologie de la prestigieuse université de Stanford.
Pour conclure, un florilège de quelques colères de Phil Hellmuth, incluant l´incident avec Tom Dwan (à partir de 8´42):